|
||||
RAYMOND
PAQUET du 11 mai au 16 juin 2001 |
||||
André
Paquet peintre à Ligneuville venu du dehors, ne méritait, plus que lui, le titre d'invité. Depuis 1983, Nul peintre, ifestations. La plupart de ses oeuvres repré- André Paquet participe à nos principales mon sentent des thèmes portuaires, sources d'inspiration normales pour cet ancien officier de marine au long cours, converti à l'art depuis des années. Ainsi il peint des quais étrangement magnifiés par un éclairage surgi d'un foyer invisible. Etrongement rasante, s'insinuant entre les tôles et les pierres, cette lueur rend plus denses les ombres; elle les multiplie à plaisir, amplifiant ainsi leur présence et leur importance. Il peint des épaves aussi, coques à l'abandon, carcasses gangrenées à peine émergées de Io vase putride et dont les têtes rivetées et rouillées se mirent misérablement dans les eaux glauques et grasses d'un bassin immobile. Ou encore, la vision simplifiée, de plus en plus abstraite, synthèse quasi géométrique d'un port anonyme, avec sa jetée, son phare, ses quais. En contrepoint de cet abandon rendu palpable par les aplats de couleurs assourdies, une mouette provocante envahit l'ovant-plon, symbolisant en une seule tache obsédante, une solitude franchement avouée, sublimée par l'art en sa musicalité chromatique. Ces thèmes-là, pourtant, loin s'en faut, ne sont pas uniques. Les paquebots qu'il peint ne sont pas tous à l'état d'épaves. Certains, hautains et superbes, demeurent étrangers à nos mièvreries, mariant leur orgueil incommensurable à celui de l'océan. En complices tentés par les mêmes grandeurs solennelles, ils arborent les ferveurs et les morsures salées, stigmates d'anciennes tempêtes. Sous des ciels souvent opaques et clos, les navires posent. Ne sont-ils pas les seules créatures, nées de mains de l'homme, à posséder âme et identité admises 9 Créés pour braver les éléments et pour s'y mesurer victorieusement, ils traçent leur sillage en travers de routes que des dangers imprévisibles rendent incertaines. La peinture de Paquet les suit dans ces trajectoires. D'autres oeuvres, tout aussi convaincantes, évoquent une contrée familière, proche de notre région: églises rurales à Thommen, Ville-du-Bois, Petit-Thier, recoins, ruelles et impasses à Weiswampoch, Ouren, Ligneuville, Waimes; maisons basses aux pignons usés, aux façades latérales aveugles, mangées par le soleil et les ombres. Peintre de la mer, mais également chantre de l'Ardenne, Paquet, impossible, presque absent, demeure, égal à lui-même. Les couleurs, ici encore, sont posées en larges aplats. Les tonalités sont nettes, franches, les mélanges parcimonieux. Les voleurs s'équilibrent. Les reflets sont liés à leurs supports. Le peintre choisit souverainement les voleurs austères des éléments et des lignes composantes. La structure prime. Les nuances intégrées sont denses, aussi proches que le sont les constructions de pierre. Les matières s'entremêlent. Elle se fondent en une synthèse de formes sévères, franchement délimitées. L'alchimie se poursuit. La pierre brute s'affine et devient pierre d'angle. Le tableau surgit, triomphant d'un combat qui l'opposa à la source inspiratrice, à la couleur locale, aux tonolités émergées de manière peu congrue d'un apport de lumière. Les thèmes s'entremêlent. Aucune hiérarchie ne détermine le choix des sujets à peindre. La peinture prime, non l'anecdote. Rien dans les compositions charpentées ne permet la fuite, Rien n'est laissé au hasard; rien n'est abandonné ou pittoresque, à la douceur chatoyante d'un printemps qui s'éveille à l'été. L'évasion est exclue; comme sont évincées les variations, les repentirs, les incertitudes, les mouvances sentimentales. Sous le silence enneigé de l'hiver dans les hautes fagnes, l'immobilité implacablement s'éternise. Les maisons dorment. Aucun bruit n'anime les rues désertées. La forêt clôt l'horizon. La nuit est silencieuse. Les ports sont vides. Les grues ressemblent à d'énormes échassiers paralysés. Des navires d'antan dont les étraves fendaient les vagues, il ne reste que proues sans vie, que tôles éventrées, étiolant un désespérant ennui le long des murs gris qu'aucun câble ne relie au bastingage. Les tableaux dorment et rêvent d'autres latitudes. Parfois, comme pour se reposer de cette gravité, le peintre nous offre les images paisibles de brebis, d'ovins tout en laine, portés par de minces pattes noires, mesurant leur blanche innocence à l'étendue de la prairie qui les cerne et dont l'herbe les nourrit. Dans ces peintures innocentes, comme dans les précédentes, le peintre, sans la moindre hésitation, dispose les éléments à sa guise. Peu importe le sujet. Précautionneusement, André Paquet mesure ses possibilités. Il regarde sa composition comme antan il scrutait l'horizon, calme, sans hâte. Il adapte certains détails aux besoins d'une sensibilité exacerbée, Sans André Paquet. Cimetière marin. Dessin, paru dans "Logbook" ed. 7993, regret, il en rejette d'autres. Il va à l'essentiel. Il synthétise, bannissant l'anecdote, honnissant ce qui paraît superflu ou dommageable: le pittoresque, la joliesse, la douceur d'une nuit d'été. Il épure les souvenirs. A travers les vues d'Ardenne, il peint les vestiges d'un autre àge, les restes obscurs d'un autre passé. Il évoque les noms que le temps a définis. Il rend visibles les ruines de nos réminiscences anciennes: vues de Stonehenge, de Furnes, du comté de Kent, des côtes de Bretagne, Dans telle toile, il évoque un canal perdu dont le bief aux eaux dormantes ne charrie plus qu'un reste de vase enlisant toujours davantage les bois d'un corps-mort quasi-fossilisé. La peinture est silence. L'atelier se repose. La toile vibre sous le pinceau. Personne ne crie. L'estacade est déserte; comme le ponton qui se désole; comme la chapelle perdue dans ce crépuscule déclinant qui, malgré le temps qui s'égrène, ne se décide pas à devenir nuit. Echouées, ensablées, les épaves rouillent à la lisière de trop frêles mémoires. Le peintre stabilise un univers précautionneusement délimité. Il immobilise. Le temps stagne au seuil d'une éternité sournoise. Un phare se dresse comme un totem, comme une prière désespérée, L'ancre mouillée se fixe au milieu d'une vase noire, Depuis quelques années sa peinture est devenue bien plus abstraite. Les réminiscences, ombres du souvenir ont délaissé sa mémoire. La figuration a déserté de vastes compositions géométriques aux tracés arbitraires. La géométrie triomphe sans pourtant référer aux grands innovateurs. Inutile de chercher un quelconque plagiat. Le peintre décidément, même dons cette tendance, ne doit rien à personne. Plus encore que ce ne fut le cas dans ses peintures figuratives, Paquet y marque une nette, très nette préférence pour les grands formats carrés, Même si la simplicité la plus sévère est de mise, le rayonnement perdure. La réussite évidente de cette oeuvre est à ce prix. Ainsi, sans hâte aucune, André Paquet, homme de la mer, originaire de LigneuvilleMalmedy, dépassant à plaisir les apparences trompeuses d'une éphémère réalité, se construit une oeuvre solitaire qui, dans ses ensembles éclectiques, s'avère être bien plus riche, plus vaste et plus variée qu'à première vue il n'y paraît. |
||||
|