Yvon ANGÉ
"La GIRELLE"


rue Antoine,4
à 6824 Chassepierre
+32 (0) 61 31 48 33
Atelier de poterie, Céramique d'art, Boutique, Galerie


ouvert tous les jours de 9 à 12 et de 14 à 18 Heures

Yvon Angé, artiste ou artisan ?
(par Richard Lambert -
Crédit photo: Yvon Angé, Jacques Coenye, didier Goessens)

Si l'on compulse le petit Larousse, on apprend que l'artiste est la "personne qui pratique un des beaux-arts,
spécialement un des arts plastiques" et que l'artisan est le "travailleur qui exerce
pour son compte personnel un métier manuel, seul ou avec l'aide des membres de sa famille ...".

Pour le potier de Chassepierre, pour être artiste, il faut d'abord être artisan.
Et il sait de quoi il parle, ce pétrisseur de terre depuis quarante ans. Artisan, artiste, il les a été tour à tour!

Ancien testament

Déjà gamin, à la veillée, dans l'Ardenne de son enfance, Yvon Angé dessinait.
De sa mère, il a hérité le goût des belles choses.
Son père lui a transmis l'amour du travail manuel.
P lus tard, enseignant à l'Institut d'lzel, la direction de l'école lui confie la lourde tâche d'occuper les internes après les cours.
Il imagine de monter un atelier de poterie.
A la recherche de terre dans la région, il découvre un jour la matière première qui convient.
Il la touche, la caresse, et c'est un miracle. Une onde le traverse : il sera potier.
Tel est pris qui croyait prendre. Une folle passion l'a envahi.
Dès que les élèves sont endormis, il grimpe au grenier de l'école.
Pendant des mois,toutes les nuits, il est penché sur son tour pourtant rudimentaire.
A son domicile, le garage qui lui sert d'atelier est devenu trop exigu.
Le travail d'art d'Yvon Angé séduit, même les Japonais.
Les commandes affluent. Sa fille, diplômée de la section des arts décoratifs de l'Institut d'lzel a rejoint l'atelier paternel.
La joie de créer ensemble est à son comble. L' arbre encore frêle a pris racine.
Les premières branches bourgeonnent. D'intenses moments de bonheur complice sont vécus.
Puis un jour, le rêve devenu réalité s'effondre.
Sa fille a décidé de partir dans le midi de la France. Yvon Angé est "guillotiné".
Il ne peut poursuivre seul l'oeuvre entreprise.
Des tracasseries administratives ont raison de sa fougue créatrice.
Il quitte alors son atelier, le coeur pesant, un sentiment d'échec à l'esprit.

Nouveau testament

Yvon Angé n'a pu se passer longtemps de travailler la terre.
La flamme de la passion qui l'avait embrasé jadis n'était pas éteinte.
Une brise légère venant du midi de la France, celle qui avait pourtant balayé ses espoirs, a ranimé le feu qui couvait seulement.
Le tour de potier que sa fille avait emporté dans son déménagement, il l'a "rapatrié".
Il savait déjà que la tentation serait la plus forte.
Yvon Angé, qui habitait alors Chiny, s'est mis à la recherche d'un nouveau lieu où il pourrait faire éclater son envie de créer.
Il avait participé à de nombreuses éditions de la Fête des Artistes à Chassepierre.
Il appréciait beaucoup l'atmosphère de ce "village-rue" niché,
à la frontière de la Gaume et de l'Ardenne, dans un , méandre de la Semois
C'est donc presque naturellement qu'il y' a installé son atelier et qu'il y travaille maintenant depuis sept ans.
Mais Yvon Angé avait aussi une idée derrière la tête, celle d'attirer à Chassepierre d'autres artistes qui viendraient s'y implanter.
Chassepierre, village des artistes, l'idée n'a peut-être pas encore fini de germer dans l'esprit de certains.
La Fête des Artistes a pris l'ampleur qu'on lui sait. Et il faut laisser le temps au temps...

Alchimie

Yvon Angé a abandonné le travai lde la faience pour se consacrer exclusivement à celui du grès
et de la porcelaine qui nécessite une cuisson à haute température (jusqu'à 1350 degrés).
Toucher la terre, la caresser, la transformer, lui donner un autre corps,
Yvon Angé le fait éhaque jour avec amour. Ses mains larges et rugueuses,
ses doigts déformés témoignent de sa soif de la terre, de sa tendresse pour elle.
En Roméo anxieux de la satisfaire, mais aussi de la faire briller aux yeux du monde, il la décore.
Tel un grand couturier pour ses creations, il pare ses oeuvres toujours uniques
des plus beaux émaux, aux couleurs les plus éclatantes, les plus éblouissantes, les plus inattendues,
celles qui attirent les regards, au point que, jaloux et envoûté, il les conserve parfois pour lui seul dans l'intimité de sa demeure.
Et ces émaux, il les imagine, les fabrique, les applique après une première cuisson : "Ie biscuitage".
Yvon Angé se métamorphose alors en alchimiste.
Penché sur un grimoire rempli de formules presque magiques,
il pèse les oxydes, il les combine, l'oeil averti, le geste juste et précis.
Au Moyen Age, les potiers étaient considérés un peu comme des sorciers.
Ils habitaient souvent dans une mai son à l'écart des bourgs.
Un jour, d'ailleurs, qu'Yvon Angé recevait dans son atelier des visiteuses africaines,
quelle ne fut pas sa stupéfaction de les voir littéralement s'enfuir en le voyant tourner,
persuadées d'être en présence d'un "faiseur de magie" !
Les émaux à base d'oxyde de fer donnent le décor "Temmoku" aux tons chaleureux rouges et bruns.
Le "nériage", lui, consiste à confondre plusieurs couches de terres différemment colorées.
Yvon Angé pratique aussi "l'engobage" en enduisant ses pièces d'une terre liquide colorée.
Mais il excelle maintenant dans la "cristallisation" de ses décors.
Il, compare ce travail long, difficile et au résultat aléatoire,
à l'érup tion du volcan dont le magma en fusion refroidit en remontant à la surface
pour se cristalliser sous forme de lave.
Cette technique implique, en effet, le respect absolu d'un refroidissement par paliers.
Le zinc est un partenaire indispensable de cette méthode qui permet de créer des motifs floraux
surprenants mais aussi des plumes d'oiseaux.
En regardant les ouvres d'Yvon Angé, qui pourrait encore douter que le travail du potier céramiste
est un métier de recherches personnelles, de longue haleine, de patience et d'intense passion.

Aux sources de l'art

Déjà en 1968, à Laveno, sur les bords du lac Majeur,
Yvon Angé a fréquenté les potiers italiens dont la virtuosité est reconnue mondialement.
Il y a trois ans, un voyage d'études l'a conduit dans les villages indiens (pueblos) de l'Arizona,
du Colorado, du Nevada et du Nouveau-Mexique aux Etats Unis.
Il y est entré en contact avec des potiers indiens réputés pour l'excellence de leur travail de la terre.
Chaque village a sa technique et sa spécificité dans les décors.
Traditionnellement dans ces tribus, alors que la création des bijoux est l'apanage des hommes,
la poterie est réservée aux femmes. Lart de la poterie est d'ailleurs transmis
par la grand-mère à la petite-fille. Elles tournent encore les pièces à la main, dans un bol.
La cuisson s'effectue à 900 degrés avec de la bouse de vache séchée ou du crottin de cheval séché et pulvérisé.
La vie des Indiens est chargée de symbolisme. En toutes circonstances, ils chantent la nature.
Ainsi, avant d'enlever de la terre pour la travailler, le potier fait des incantations à la Terre
et lui dépose quelques grains de mais en guise d'offrande pour la remercier.
Pour l'Indien, la terre n'appartient pas à l'homme mais c'est l'homme qui appartient à la terre.
Des académies perpétuent l'art indien de la poterie. Yvon Angé regrette amèrement
qu'il n'en soit pas de même dans nos régions où l'on est en train de perdre notre identité artistique.

Yvon Angé, peintre

Artiste éclectique, Yvon Angé s'adonne aussi à la peinture.
La peinture d'Yvon Angé est une peinture d'atmosphère. Les thêmes abordés sont multiples.
Les scènes de villages traditionnels ardennais sont remarquables par les ciels mouvementés et la grisaille des toits des maisons, aux traits puissants et expressifs qui font penser à ceux de indîtres de la peinture régionale.
Yvon Angé aime la campagne. Ses compositions florales qui sont de véritables feux d'artifice aux couleurs vives, parfois agressives, presque surréalistes ne laissent pas indifférent.
Elles inspirent une force dans la fragilité des fleurs, une intensité dans le tranchant des tons.
Mais Yvon Angé peint aussi la douceur naïve de maisons lilliputiennes qui conviendrait parfaitement à l'illustration de livres de contes pour enfants.
Ici les couleurs sont tamisées, les traits raffinés, l'atmosphère, celle d'une bande dessinée ou d'une miniature tout en délicatesse.

Yvon Angé, concepteur

Au cours des derniers mois, Yvon Angé a quitté son atelier de potier pour se lancer à l'assaut
d'un projet monumental, une sculpture devant orner le centre d'un rond-point routier à Nivelles.
Récemment terminé, cet ensemble architectural est axé sur le pentagone, figure géométrique
qui fut utilisée au Moyen Age par les compagnons bâtisseurs des cathédrales.
Le socle pentagonal, est surmonté de cinq colonnes, elles aussi pentagonales, de hauteurs différentes
et au milieu desquelles, comme dans un écrin, brille un diamant.
Les cinq colonnes symbolisent les cinq grandes voies d'accès empruntées jadis par les pèlerins
se rendant à la collégiale de Nivelles mais aussi l'enfilade de ses piliers.
La châsse de sainte Gertrude, objet de cette dévotion, est, elle, représentée,par le diamant.
La forme de ce diamant est celle d'une double pyramide renversée à base carrée
dont les "arêtes scintillant au soleil ou sous la lumière nocturne de lasers finement dosés
sculptent le vide intérieur avec un sens exact du volume et des proportions issues
du Nombre d'Or des figures idéales pythagoriciennes".
En réalisant cette oeuvre, Yvon Angé est bien l'artiste "messager fugitif entre le passé et le futur",
qui appréhende la matière pour lui donner un sens peut-être intemporel.

Yvon Angé, ambassadeur

Depuis le 24 novembre, Yvon Angé expose des oeuvres de prestige pendant six mois
au Musée de la céramique à Torhout près de Bruges en compagnie de trois autres potiers wallons :
Maurice Lenaif de Malmédy, Noël Marissiaux d'Hatrival et Marie-Rose Michiels de Flémalle.
Par ailleurs, Yvon Angé a été sélectionné avec cinq autres artistes pour représenter la province de Luxembourg
au salon wallon des métiers d'art "De la tradition à la modernité" qui se tiendra
jusqu'au 28 janvier 2001 au Musée la vie 'Wallonne à Liège.

Alors, Yvon Angé, artiste ou artisan ?

Assurément les deux selon la définition du petit Larousse.
Mais les deux assurément, aussi, selon la sienne.
Artiste et artisan ont la même racine : art.
Et l'art, il lui colle à la peau à Yvon Angé, il est en lui, il le porte, il le fait vivre.
Avec tout ce qu'il implique de rêve, d'obsession, de passion, de don de soi, d'abnégation, de soif de vérité, d'absolu.
L'art n'est pas raisonnable, il est. Et celui d'Yvon Angé est grand.
Alors, même si l'on professe souvent que nul n'est prophète en son pays,
quand verra-t-on l'imagination d'Yvon Ange au service de la décoration d'un rond-point luxembourgeois ?


LA GIRELLE
Atelier de poterie, céramique d'art, galerie
rue Antoine, 4 - 6824 Chassepierre
Exposition permanente ouverte tous les jours
 
de 9 à 12 heures et de 14 à 18 heures
tél. +32 (0)61 31 48 33



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